Texte lu par Marie-Françoise au Mans le jeudi 21 novembre 2019
Dans l’obscurité, derrière les stores aveugles, un vieil arbre, avec ses branches squelettiques, mettez-vous à l’affut des vents du printemps, préparez-vous à rentrer dans les champs incendiés.
Ici le maître nous invite à trouver une terre inhumaine, stérile, sans aucune trace de vie. Qu’entend-il par là ? Justement son invitation intrépide et folle concerne tous les agendas, buts et espoirs qu’il s’agit de contredire et balayer. Sawaki Kodo, le grand réformateur du zen au XXe siècle le disait sans détour : « Zazen est absolument inutile, cela ne sert à rien ! » Vous perdez votre temps.
L’idée, ou plutôt l’enseignement, est ici que la pratique elle-même est la voie. La voie ne conduit nulle part qu’à sa pratique. Il n’y a pas de voie sans pratique ni de pratique sans voie. Que faire ? Laissez le zen assis devenir ce que vous êtes sans plus se soucier du pourquoi ni même du comment. Voilà l’essence que ce koan nous propose. Une invitation radicale à abandonner tous les calculs mesquins et les recherches avides, les ambitions innombrables et les désirs les plus spirituels, autant de mauvaises herbes sur le chemin de la réalisation.
La seule réalisation qui vaille est de devenir le chemin. Là, il n’y a plus de voyageur, de chemin ni même de destination. Un pas après l’autre, c’est tout.
Pierre Taïgu Turlur
La saveur de la lune, Albin michel