Texte choisi par Marie-Françoise au Mans le jeudi 15 avril 2021
L’art secret de voyager consiste à savourer chaque chose que nous rencontrons sur notre chemin. Si vous êtes trop pressés d’atteindre votre but, vous oubliez de contempler les forêts et les rivières, et d’élever le regard vers le pur et fugace scintillement des étoiles. Prendre plaisir à chaque pas que nous faisons devient en soi la destination. Si nous savourons chaque pas qui nous conduit à notre destination et que nous l’apprécions comme une expérience unique nous aurons alors appris une manière de marcher où toute place est bonne pour nous arrêter
Que signifie chaque pas que nous faisons dans le quotidien de notre vie ? Il y a des moments où nous encourons l’échec malgré tous nos efforts précédents, et il y a d’autres moments tellement paradisiaques que nous nous croyons au septième ciel. Puis nous nous sentons de nouveau menacés par d’imaginaires ennemis ou incompris par notre entourage. Les circonstances de notre vie ne sont jamais les mêmes : ni les moments heureux ni les moments pénibles ne sont permanents.
Maître Dogen a dit dans le Tenzo Kyokun : « Ne perdez pas la tête au doux son du printemps et ne vous laissez pas non plus déprimer par le changement de couleurs des feuilles en automne. Considérez le changement des saisons comme un tout. » « La voix du printemps » symbolise les événements heureux et « les couleurs automnales » indiquent les difficultés de notre vie. Quand nous sommes confrontés au malheur, nous perdons notre calme, le bonheur, de son côté, peut nous enivrer. Cette façon de faire ne va pas. Nous devrions considérer bonheur et malheur comme le changement de saison : un tout unique. De cette façon nous pourrons accueillir le meilleur et le pire de la même manière sans être bouleversés ni par l’un ni par l’autre. La nature et le véritable voyage de notre vie ne tiennent pas compte de nos préoccupations et préférences personnelles. Lorsque nous abandonnons le petit moi et confions sereinement notre corps et notre esprit aux soins de la nature, nous nous laissons alors pénétrer par le parfum des cerisiers en fleur agités par un vent glacial, par le frémissement de la nouvelle vie qui palpite dans la boue du printemps. La voix des plantes et des arbres qui fête la venue des éclairs et des pluies torrentielles peut alors nous parvenir.
Le Zen et la vie / Shundo Aoyama